Figures de la Vieille France : le Marquis de Morès

Ultor
Démocratie Participative
15 avril 2025

Par Jean Draut

Le marquis de Morès est bien oublié de la jeune génération. Il fut pourtant un des précurseurs du mouvement social actuel et tenta, dès 1888, il y a bien près d’un demi-siècle, en Amérique, sur une vaste échelle, un essai d’amélioration de vie pour les classes dites pauvres et assujetties au travail quotidien et exténuant de l’usine.

Mal lui en prit. Il se heurta aux trusts juifs et fut presque ruiné.

Énergique et aventureux, il tenta ensuite de réaliser au profit de la France un vaste projet colonial. Là, il se heurta aux Anglais, engagea la lutte contre eux et périt dans un guet-apens à El-Ouatia.

Sa vie tient du roman ; elle est utile à rappeler à une époque où nous avons besoin de professeurs d’énergie.

Né en 1858, sorti de Saint-Cyr dans les premiers numéros, nommé sous-lieutenant au 1er cuirassiers après son stage réglementaire à Saumur, il étonnait les meilleurs écuyers en plaçant une pièce de cent sous entre chacun de ses genoux et la selle. Lançant son cheval au galop, il lui faisait sauter les obstacles habituels : haies, barrières, rivières, revenait à son point de départ et retirait les deux pièces serrées entre ses genoux et la selle. Elles n’avaient point bougé.

À Saumur, il avait eu comme camarade le futur officier de hussards Foucauld [Charles de Foucauld]. Le samedi, quand tous deux craignaient de rater le train qui devait les emmener en permission à Paris, ils gagnaient le pont sous lequel devait passer le train. Du pont, ils sautaient sur le toit d’un wagon quand le train arrivait. Tous deux devaient être un jour massacrés en Afrique : Morès comme explorateur ; Foucauld comme apôtre du désert.

Comme officier de cuirassiers, le marquis de Morès trouva les petites garnisons de l’Est ennuyeuses et moroses, encore qu’il essayât de se distraire en faisant de l’aérostation. Il y risqua sa vie. L’aviation n’était pas née. Sans quoi, son nom serait inscrit au martyrologue de nos aviateurs.

Il n’avait qu’à se laisser vivre pour devenir colonel à l’ancienneté, puis général.

Il préféra démissionner. En 1882, il était avec son père, le duc de Vallombrosa, à Cannes, où il fit la connaissance d’une jeune Américaine, Mlle Médora de Hoffmann, fille d’un banquier de New-York. Il l’épousa le 15 février 1882.

 

Petit-fils du duc des Cars, qui avait commandé une division de l’expédition d’Alger, en 1830, il était riche du côté paternel comme du côté maternel. Mais il n’était pas fait du bois dont on faisait les fashionnables de la haute vie parisienne.

Il se fit initier aux affaires par son beau-père, gagna l’Amérique, alla chercher un coin sauvage du Dakota et s’y établit avec sa femme en avril 1883.

Il groupa de petits émigrants, leur fit transformer des hectares de forêts en terres d’élevage, créa des troupeaux, engagea des cow-boys, des maçons, des terrassiers, des couvreurs, et créa une ville qui existe encore et qui s’appelle, du nom de sa femme : Medoraville… Sa statue s’y dresse.

Son idée était de fournir New-York et Chicago en viande à bon marché. Il se heurta au trust juif de la viande.

Et aussi aux gangsters qui venaient, de temps en temps, piller les habitants de Medoraville.

Il avait des miliciens. À leur tête, il galopait vers les voleurs, les traquait dans leurs repaires.

Le trust de la viande tenta d’abord d’acheter ce concurrent qui se mêlait de vouloir faire baisser le prix de l’aloyau. Morès refusa. On lui proposa une alliance. Nouveau refus. Alors, ce fut la guerre. Sa viande fut boycottée par les 1,800 bouchers israélites de Chicago.

Le marquis ouvrit alors des boucheries de détail dans Chicago et vendit directement aux consommateurs.

Le trust de la viande n’eut qu’à faire un signe évidemment rituel aux 1,800 bouchers juifs pour organiser une baisse formidable. On prenait chaque jour les prix de Morès et on vendait quatre sous de moins la livre. La bêtise du consommateur étant partout la même, le public se rua aux boucheries juives. L’affaire du marquis de Morès sauta. Après quoi, les boucheries juives reprirent leurs anciens prix. La viande remonta de trente pour cent.

Le fondateur de Medoraville paya ses différences et quitta l’Amérique. Il était désormais antisémite.

Il entreprit, pour se consoler, un voyage aux Indes avec sa femme et les deux enfants qui lui étaient nés. Il y chassa le tigre.

L’Indochine proche l’attira. Cette colonie était alors loin d’être pacifiée. À Saïgon, il fit la connaissance du gouverneur général Richaud. C’est là qu’il écrivit une brochure qui fit du bruit à l’époque et qui le désigna, dès lors, à la haine implacable des Anglais. La brochure était intitulée : Pour pénétrer en Chine.

Étienne Richaud

Il y démontrait que c’est par le Tonkin que devait être tentée la pénétration en Chine. Il y avait alors quelques rares radicaux qui n’étaient pas des crétins ou des gredins, dont le ministre Goblet, qui comprit la brochure et encouragea le candidat explorateur.

Morès alla étudier la colonie anglaise de Hong-Kong, puis gagna seul Lang-Son. Dans ce pays alors infesté de brigands, il était précédé d’un seul Chinois porteur d’un drapeau sur lequel on lisait : « Ni soldat, ni percepteur ! Faiseur de routes et médecin ». Le Chinois avait, en outre, sur son dos, une caisse de médicaments.

Aux brigands, aux pirates rencontrés, il offrait dix sous par jour, au lieu des sept qui étaient le tarif ordinaire, pour bâtir, cultiver, faire des routes et travailler aux voies ferrées.

12,000 de ces gens calculèrent que le travail rapportait plus et était moins dangereux que de piller et d’assassiner.

Il fit construire un blockaus qui lui coûta 120,000 francs, créa une région prospère, nettoyée, dont il était une sorte de roi.

Pour ses travaux et ses dépenses, Richaud estimait que le marquis avait bien droit à une concession. Il voulait la lui attribuer tout de suite.

« Non ! répondit Morès, on clabaudera, on criera que je vous l’ai achetée. Nommez une commission qui étudiera mon projet de pénétration, décidera si j’ai droit à une concession et témoignera que je ne la dois pas à un pot-de-vin. »

Richaud accéda à cette demande, nomma un capitaine de frégate, un chef d’escadron, un ingénieur, un agent des finances et un résident.

L’ingénieur était juif. Il profita de la chute du ministère Goblet et de l’ébranlement de la situation de Richaud pour proposer au marquis un marché comme il s’en faisait tous les jours au Palais-Bourbon.

« Si vous ne me donnez pas 20,000 francs, votre contrat ne sera pas signé. »

Il ne le fut pas. Morès avait bondi. M. Lion avait reculé, redoutant ce qui est arrivé depuis à M. Zay.

Saïgon

Richaud était alors rappelé. Il mourait d’un mal étrange, sur le bateau qui le ramenait en France, et ses papiers étaient jetés à la mer avec son corps. Ces papiers-là contenaient les preuves des concessions indochinoises de M. Constans, prédécesseur de Richaud. Et Constans était alors ministre de l’Intérieur depuis quelques semaines !

Mais Morès, qui rentrait par un autre bateau, avait les doubles des papiers redoutés du franc-maçon Constans.

C’est avec ces papiers que, voulant venger Richaud, il engagea à Toulouse cette fameuse bataille électorale contre le ministre Constans, bataille où il faillit vingt fois être assassiné par une police aux ordres du ministre-candidat. Morès avait comme candidat Susini, étiqueté socialiste-boulangiste. Mais c’est la peau de Constans qu’il voulait.

Ernest Constans

Il l’eut dans une certaine mesure. La judéo-maçonnerie réussit à faire réélire député, au second tour seulement, tel un Herriot, ce ministre de l’Intérieur dont elle avait besoin. Le préfet de Toulouse s’appelait alors Cohn, ce qui était tout un programme !

Mais Constans avait eu une si faible majorité, que, discrédité, une fois tombé du pouvoir, il ne fut plus jamais ministre et fut retraité à Constantinople comme ambassadeur.

Morès mena dès lors une campagne antijuive et antimaçonnique dont ceux des « temps héroïques » qui vivent encore se souviennent avec une émotion admirative. On le vit dans tous les meetings de Drumont, de Jacques de Biez et de Jules Guérin.

Puis il aborda l’ennemi n°1 de la France par la bande, c’est-à-dire par le désert : l’Anglais.

Raconter l’expédition dans laquelle il fut trahi par une escorte qu’avait payée l’Angleterre avec la complicité de la régence maçonnique de Tunis, c’est évoquer une fois de plus son prodigieux héroïsme.

Il abattit d’un coup de revolver le méhari sur lequel il était monté, se fit d’abord un rempart de son corps, puis gagna un arbre auquel il s’adossa, épuisé de coups et ensanglanté, lutta, seul, pendant plusieurs heures contre cent Touaregs qui n’osaient l’approcher. Il reçut le coup mortel, le dernier, par derrière, l’un des chacals ayant parcouru un grand cercle pour le tourner sans être aperçu de lui.

Et pourquoi l’Angleterre le fit-elle assassiner ?

Il était sur le chemin de Fachoda !

Deux ans après, Marchand y était aussi, mais était obligé d’évacuer ce pays conquis par lui sans effusion de sang !

Édouard Drumont

C’est à Morès, son compagnon des rudes campagnes antijuives, qu’en 1890, Drumont dédia son fameux livre, Dernière bataille. La préface-dédicace débute ainsi :

« Riche, comblé de tous les dons, brillant officier, vous avez voulu vivre au milieu des pionniers de la libre Amérique, la rude et virile existence des héros de Fenimore Cooper. Vous avez quitté ce Paris qui vous aimait pour votre belle humeur et votre esprit, ce Paris où la destinée vous avait préparé un lit si luxueux et si doux, pour aller planter votre tente aventureuse à la lisière des forêts vierges, sur un sol encore à moitié sauvage où l’homme ne vaut que par lui-même et ne peut compter que sur lui-même… »

Dans cet ouvrage, l’auteur de la France juive éprouve un visible plaisir à évoquer les souvenirs de sa jeunesse laborieuse et pauvre, si différente de celle du patricien associé depuis peu à sa cause. Quelle admiration secrète il éprouvait pour cet officier de cuirassier démissionnaire duquel il a écrit que si celui-ci avait vécu sous l’Empire, il aurait connu une destinée égale à celle du général Lasalle et de Murat !

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